2 ème partie traduite:Nous revoilà avec la deuxième partie de ma rencontre épique avec Paul Barnett de chez EA Mythic et le projet Warhammer Online.
Dans cette partie de la conversation, Mr Barnett parle de sa vision de l’industrie du jeu elle-même. Ceci était mon intention secrète tout au long de cette interview, de l’amener à intervenir sur le rôle des gens de l’industrie du jeu vidéo en tant qu’avocats et promoteurs de celle-ci. Nous parlons aussi du bout de contenu favori de Mr Barnett, et du rôle de ces ennuyeux designers dont nous entendons tant parler.
MMOG Nation : Alors juste pour s’égarer un peu plus loin. De par votre parcours exposé sur le site de Mythic et vos commentaires ici même aujourd’hui, vous avez eu une introduction dans le monde du jeu vidéo assez éloignée des sentiers battus. Mais je pense que nombre de personnes qui seraient intéressées par l’entrée dans l’industrie du jeu vidéo dans les cinq prochaines années viendront de programmes universitaires ou autres créés pour " fabriquer " des game designers ou des développeurs.
Paul Barnett : Je ne le parierai pas !
MG : Ok.
Paul : Ils n’ont aucune idée de comment faire des game designers. Ils ne se fabriquent pas. Ils se créent eux même. C’est comme tous ces gens qui vont à des cours d’écriture, ou à des cours de littérature. Si vous êtes un écrivain, vous êtes un écrivain. Vous savez ce que ça demande ? Ca demande de la diligence, du talent, la capacité à regarder différentes choses et à les mettre en commun.
Le nombre de gens que je rencontre et qui me disent "Je veux être game designer !". Et je le demande "Bien, et que veux-tu faire exactement?", ce à quoi ils répondent "Je veux designer des jeux !". Et ils n’ont jamais rien fait d’autre que de jouer incessamment à des jeux vidéo. Comme si c’était le seul endroit dont on pouvait tirer son inspiration !
(NdT : je n’ai pas trop compris la fin du paragraphe, à part qu’il dit que le fait de jouer n’a rien à voir avec le fait de savoir faire des jeux).
Le game design se trouve dans les jeux de carte, dans les jeux de société. Ca se trouve dans le fait d’essayer d’ouvrir une portière de voiture. Ca se trouve dans les bandes dessinées, dans la littérature, dans Paradise Lost, dans Shakespeare, dans South Park, ça se trouve en fixant l’écran de chargement sur Cox Cable
(NdT : fournisseur de télévision et d’accès à Internet par câble). Ca se trouve partout ! Ca ne s’acquiert pas simplement à travers une Xbox et une saleté de clavier.
Les gens qui lisent des bouquins du genre "Comment designer un jeu vidéo", ça me rend furieux. Brûlez les ! Brûlez les tous ! Ils sont inutiles de toute façon.
(NdT les gens ou les livres ? :>)Si vous ne savez pas comment designer, c’est que vous n’êtes pas un designer. Si vous n’y êtes pas contraint, si ça ne devient pas la seule chose que vous souhaitiez faire… et je vais vous dire autre chose, pendant que je déblatère ! Une autre chose qui me met hors de moi, à propos des designers, c’est qu’ils ne savent jamais quand s’arrêter de designer.
Du fun, bande d’enfoirés ! Ca n’a rien à voir avec un autre mécanisme, ça n’a rien à voir avec "un truc intelligent". Un des boulots du designer est d’arrêter de nous coûter de l’argent. A la place, utilise ce qu’on a déjà.
Un fantastique test : demandez à n’importe qui se proclamant designer ce qu’il changerait dans les règles du jeu d’échecs. Et regardez la réponse.
MG : Merci monsieur ! Revenons en à votre jeu. Quel est votre morceau de contenu préféré dans le jeu ?
Paul : Mon favori absolu ?
MG : Ouais.
Paul : C’est le petit mot quand vous essayez de vous logger sur le serveur beta : "C’est pas encore fini, imbécile !", c’est mon petit truc préféré.
En quelque sorte, ça résume tout. On a des gens qui sont loggés et qui nous disent " Mais ça marche pas ! ". Bah ouais, ça marche pas, on a pas encore fini. Si je devais prendre un autre petit truc, il y a vraiment de bons gags dans le jeu. Je les aime beaucoup. Je ne peux pas trop vous le dire car c’est moins drôle textuellement, mais croyez moi, c’est drôle. Qu’est ce que j’aime d’autre ?
Attaché de presse : Le costume de Squig.
Paul : Ah ouais, le costume de Squig. Nous avons des classes à pet, n’est ce pas ? Des classes à pet, pas de la connerie. C’est le problème des classes à pet, c'est que ce sont des saloperies, toutes autant qu’elles sont. Qui veut avoir un petit truc qui se bat à sa place ? Quelle est cette saloperie ? C’est un peu comme… je sais pas, être à l’école et menacer les gens juste parce que vous avez un pote costaud à côté de vous. C’est un crétin de trouillard.
Alors, ce que nous avons fait avec les classes à pet est que nous avons les Dresseurs de Squigs, des petits gobelins avec de grandes oreilles, défoncés au speed. Ils sont géniaux.
Ils se promènent et ils invoquent ces Squigs. Et un de ces Squigs est le Squig de bataille (vidéo ) ; une énorme bestiole en armure avec un gros anneau dans les naseaux. Et ce Squig se retourne et bouffe le Dresseur. Il se retrouve donc dans l’estomac du Squig de combat, attrape les boyaux, et tire dessus pour faire sauter le Squig partout et combattre.
Et ce Squig de bataille mâchouille les gens. Quand il est blessé, il se met à chanceler et à tousser avant de recracher le Dresseur, et il se met à "voler" en faisant “Waaaaaaaaaaaaauuuuuughh”.
Ca, pour moi, représente bien l’essence du jeu : parce que c’est une classe à pet, et pas une merde. C’est fun. Bande d’enfoirés.
MG : Ca fait presque dix ans que je joue à Warhammer Fantasy, et vous venez de me filer des cauchemars. Merci.
[Ricanements fous du coté de Mythic]
Paul : Et c’est le but, n’est-ce pas ?
MG : Ouais.
Paul : Quand vous travaillez sur ces jeux… voilà la chose qui garde Mark Jacobs éveillé la nuit à gratter son bras. Les deux problèmes que vous avez lorsque vous devez faire un MMO Warhammer sont :
Problème numéro 1 : 99% des gens essayant de bosser sur un MMO ont joué à WoW, ce qui les a totalement corrompus. Ils sont incapables de comprendre que leur entière réserve d’expérience provient d’un seul et même jeu, ce qui pollue et corrompt ce qu’ils font.
Donc, à chaque fois que vous essayez d’ajouter quelque chose ou de faire quelque chose dans le jeu, vous devez passer au travers de ce satané filtre WoW. Celui là même qui, au travers des "ce n’est pas dans WoW, alors on ne devrait pas l’avoir " ou " c’est dans WoW, donc il faut qu’on le fasse", limite votre réflexion. C’est notre principal problème, contre lequel nous devons nous battre tous les jours.
Et notre façon de le combattre est en réalisant que WoW est un travail de génie, mais avec des défauts. Vous ne pouvez pas le reprendre à votre compte car vous ne savez pas réellement quels morceaux sont du génie, et quels morceaux sont des défauts. On ne peut que rester en arrière et se réjouir du travail accompli. Regarder le jeu et dire "Bien joué, très bon travail". Et ainsi faire votre propre jeu. Voila quel est notre plus gros problème.
Le second est le monde de Warhammer lui-même. Vous voyez, le monde de Warhammer est une idée folle, mais extraordinaire. Malheureusement pour nous, son aspect le plus populaire est constitué par les figurines. Donc, quand vous dites "On a besoin de géants dans le monde de Warhammer", ils ne peuvent pas s’empêcher de mesurer les figurines.
Ils vont mesurer le géant, et ensuite l’implémenter dans le jeu dans les mêmes proportions que la figurine. Et je dis "Pourquoi vous avez fait ça ?", ils répondent "Parce que le géant est à peu près trois fois plus grand que le joueur, on l’a mesuré ". Ce à quoi je répond " Non, non, non… le géant est trois fois plus grand car il est fait en métal, et que s’ils avaient voulu le faire vraiment grand, il aurait coûté 5000$. Donc ils l’ont seulement fait trois fois plus grand. Le vrai géant est énorme, agrandis le !".
Voilà donc nos deux plus gros challenges: ne pas être corrompus par WoW, et réaliser que Warhammer est une idée que nous devons porter à l'écran, pas simplement un jeu de figurines que nous devons singer et copier.
Voir le blog de Paul où il parle du Buveur de sang
MG: Est-ce que tu as la possibilité ces temps ci de jouer (NdT: à Battle)?
Paul: Errr…non! Ce que je fais la plupart du temps, c'est parler à Alan Merrit et Rick Priestly. Le second car il a inventé Warhammer, et le premier car il est en quelque sorte un puits d'informations sur l'idée même de Warhammer. Si j'avais joué au jeu de figurines, j'aurais fini corrompu, tout comme si j'avais beaucoup joué à WoW.
MG: Alors… une question annexe que je voulais vous poser.
La Game Developer's Conference (GDC) est une grande occasion pour exposer des idées, et une d'entre elles, que j'ai souvent entendu revenir depuis quelques années est que "l'industrie du jeu vidéo n'a pas de bon communiquant". Il n'y a personne là bas sur le front pour parler aux caméras et faire en sorte que les joueurs n'aient pas l'air de gens effrayants, assis dans leur chambre à planifier des meurtres.
Paul: Eh bien, le premier problème est la GDC. Les gens ne devraient pas aller en de tels endroits. Qu'est ce qu'ils foutent? C'est comme Donjons & Dragons, non? Il y a deux façons de présenter Donjons & Dragons. Vous pouvez aller à la télé et dans les mass médias, ou dans Esquire et GQ magazine
(NdT: des magasines, respectivement américain et anglais, dans le genre de Playboy mais plus "classes") et en parler. Ou alors, vous pouvez aller à la Gen Con
(NdT: rassemblement annuel de fans de Comics/SF/Fantasy), et parler à plein de gros fans de D&D en sueur, n'est ce pas?
MG: En effet.
Paul: Donc, les gens du jeu vidéo peuvent aller embrasser le média, ou bien ils peuvent tous se rencontrer aux salons informatiques et dire "C'est la merde hein? On a besoin de plus d'idées! On a besoin de penser plus gros!". Ou alors, tu peux te laver, te raser et bien t'habiller, et essayer d'aller en dehors de l'industrie du jeu. Tu peux essayer de parler aux nouveaux médias, à la presse… Je viens de faire un paquet de vidéos sur comment entrer dans l'industrie du jeu vidéo. Et ce sont certainement les vidéos "Comment entrer dans l'industrie du jeu vidéo" les moins "jeuvidéoïques"
(NdT: j'essaye d'adapter le néologisme original ) que vous verrez jamais sur ma vision de la chose.
Ou alors, vous pouvez aller à la fac, c'est très important pour le design, apprendre le C++… que dalle, c'est de la connerie, et ça l'a toujours été. Les jeunes ne sont pas intéressés par les petits détails futiles de l'industrie du jeu vidéo.
Ils sont intéressés par l'idée de cette industrie. Ils sont intéressés par les rock stars, les stars de cinéma, ils sont intéressés par ce qu'ils pourraient être.
Et c'est vraiment difficile de dire à un gamin "Tout ira bien. Tu veux vraiment être dans l'industrie? Tu peux être comme ce gars là"…et on a personne à pointer du doigt comme exemple. Et la raison pour laquelle nous n'avons personne est parce que nous sommes sans cesse manipulés et écrasés par les gens d'argent.
A quand remonte la dernière fois que vous avez rencontré quelqu'un ayant une quelconque forme de pouvoir et qui aimait vraiment les jeux vidéos? Jamais!
Soit vous rencontrez des gens d'argent, ternes comme de l'eau de vaisselle, soit vous rencontrez des espèces de savants fous qui vont dire "J'aime le design, c'est vraiment important", vous voyez, et ils doivent aimer porter un bavoir parce qu'ils sont pas foutus de parler en public.
Carmack
(NdT: John Carmack, créateur entre autres de Doom) est un peu le seul que nous ayons, et c'est vraiment dur! Si vous ne pouvez pas voir les superstars, comment pouvez-vous croire qu'il y a une industrie pour vous? Et vous vous contentez de copier ce que vous voyez. Donc à ces conférences de jeux vidéo, il y a un tas de gens du jeu vidéo qui essayent d'en imposer à d'autres gens du jeu vidéo. Et voilà.
"C'est le mauvais public, les gars. Vous devez briller et irradier votre joie, et aimer avoir affaire à des gens normaux. Vous ne devez pas apeurer ces gens."
Vous savez, on devrait combattre le concept du geek, et du nerd, parce que ça ne nous intéresse pas.
On est intéressés par une attitude cool. On est intéressés par plus de gens comme Steve Jobs. Je veux me lever et faire penser aux gens normaux "Ah ouais, je veux faire ça!"…
Je veux que l'industrie du jeu ait l'air cool, comme Apple. Je veux qu'elle soit très cool et rock & roll. Je veux entendre les gens dire "Tu sais quoi? Je veux être dans cette industrie, parce qu'elle regorge de gens très bien qui veulent vraiment faire du bon boulot, j'aime les écouter, et ils ont des idées."
Ils ont quelque chose à dire, et pas seulement "J'ai un gamedesign encore meilleur, le mien il est mieux que le tien".
Oh, je peux vous dire… quand ils deviennent obsédés par ce qu'ils appellent les Real Money Transactions
(NdT: achat de contenu ingame avec de l'argent réel, pré carré des MMO gratuits coréens, ainsi que de Sony avec Everquest 2)? Mais qu'est ce qu'on s'en tape? En dehors de notre petite bulle? Qui se fout de l'économie réelle? Il y a des gens qui ont des sites web et qui se brossent sans arrêt à propos de l'économie dans les MMO. Mais quelle connerie! Vraiment que des conneries.
Le seul studio de développement que j'ai vu récemment et qui semble avoir une once de bon sens est Rockstar Games
(NdT: développeur de la série des GTA).
Primo, parce qu'ils ont un bon nom.
Secundo, parce qu'ils sont principalement anglais. Hourra.
Tercio, parce qu'ils ont compris que Grand Theft Auto est en vérité un concentré de non sens. C'est une grosse et bête extravagance. Ils sont assez proches de ce qu'on veut faire.
Vous ne trouvez pas ça bizarre? Ca me rend dingue, on est obsédés par le fait de ne pas laisser d'empreinte dans ce que nous faisons.
Nous sommes obsédés par l'idée qu'on ne peut pas montrer qui a fait ces jeux. Nos vidéo blogs, nous les faisons dans ce but. En me baladant avec un téléphone vidéo, on avait des gens qui disaient "Ah non, tu ne peux pas montrer ça".
Tu ne peux pas... au diable ces conneries! Ca montre ce que c'est vraiment! C'est drôle, un peu fou et intéressant. On a un paquet de gens différents!
(NdT: je saute une partie un peu confuse et de toute façon sans importance). "Pour l'amour de dieu les gars, et les filles, si on veut parler de l'industrie, on doit apprendre à être joyeux et à l'extérioriser."
Arrêtons de parler de C++, arrêtons de parler de la nouvelle façon super intelligente de faire un design, et commençons à parler du fait qu'on gagne pas mal d'argent, qu'on paye les factures, qu'on est des gens intéressants, que nous avons une carrière, que vous pouvez le faire, qu'on peut tous le faire.
Et si on le fait tous ensemble, il y a moyen de bien se marrer. Et maman sera impressionnée.